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Conférence de consensus sur l'hypertension portale Les Conférences de Consensus SNFGE, 2004 COMPLICATIONS DE L'HYPERTENSION PORTALE CHEZ L'ADULTE
TEXTE LONG - Paris, 4 et 5 décembre 2003

QUESTIONS POSEES AU JURY Question 1 : Comment traiter une hémorragie aiguë par rupture de varices oesophagiennes ? Question 2 : Que doit-on faire pour prévenir les hémorragies par rupture de varices oesophagiennes ? Question 3 : Comment prévenir et traiter les hémorragies par varices gastriques, ou ectopiques ou par gastropathie congestive ? Question 4 : Comment prévenir les récidives hémorragiques ? Question 5 : Comment traiter une ascite ? Question 6 : Comment traiter les complications pleuropulmonaires ? Cette conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles méthodologiques préconisées par l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (Anaes). Les conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le jury de la conférence, en toute indépendance. Auteurs et partenaires INTRODUCTION L'hypertension portale est responsable des principales complications de la cirrhose. Elle est la cause directe de l'hémorragie par rupture de varices oesophagiennes ou gastriques et contribue au développement de l'ascite, de l'encéphalopathie hépatique et des complications pleuropulmonaires. La gravité de ces complications est indissociable de la gravité de la cirrhose reflétée par le degré d'insuffisance hépatocellulaire. Les hémorragies par rupture de varices oesophagiennes, dont l'incidence est de 14,5 pour 100.000 habitants en France, représentent la principale cause de décès au cours de la cirrhose. La mortalité liée à l'épisode hémorragique est de 30 à 50% en l'absence de traitement. Au cours des deux dernières décennies, des traitements spécifiques, pharmacologiques et endoscopiques, curatifs et préventifs des hémorragies, ont été proposés et évalués dans un grand nombre d'essais contrôlés. Les résultats de ces essais, de méta-analyses et les conclusions de réunions d'experts ont conduit à améliorer la prise en charge de ces complications. Une meilleure évaluation des malades à risque et un meilleur contrôle des hémorragies au cours de la cirrhose ont permis d'en améliorer significativement le pronostic. L'ascite, témoin d'une maladie hépatique évoluée, résulte d'une cascade d'événements hémodynamiques secondaires à l'insuffisance hépatique et à l'hypertension portale. L'infection du liquide d'ascite est une complication fréquente et grave qui survient chez 8 à 30% des malades hospitalisés avec ascite. La gravité du pronostic et la fréquence des récidives ont été considérablement améliorées au cours des 20 dernières années par une meilleure adaptation de l'antibiothérapie et par l'antibioprophylaxie. Le syndrome hépatorénal est la manifestation ultime du syndrome de défaillance circulatoire du cirrhotique décompensé. Son pronostic, spontanément mauvais avec une mortalité élevée liée à l'insuffisance rénale aiguë, peut être amélioré par l'utilisation de traitements pharmacologiques et des mesures préventives basées sur des mécanismes physiopathologiques aujourd'hui mieux connus. Plus rarement, l'hypertension portale est à l'origine d'un syndrome hépatopulmonaire caractérisé par le développement de dilatations vasculaires pulmonaires et d'une hypoxémie. Ce syndrome évolue naturellement vers l'aggravation et est responsable d'un décès dans plus de 30% des cas à deux ans. L'hypertension portale est aussi un facteur de risque d'hypertension artérielle pulmonaire. Cette hypertension portopulmonaire est observée chez 2% des malades ayant une hypertension portale et présente chez 3 à 10% des candidats à une transplantation hépatique. L'évolution des techniques endoscopiques, de protocoles d'utilisation des traitements pharmacologiques, le Conférence de consensus sur l'hypertension portale développement de la transplantation hépatique et du traitement de l'hypertension portale par la mise en place de shunt portosystémiques intrahépatiques (TIPS), ont profondément modifié la stratégie de prise en charge des complications de la cirrhose. L'interprétation difficile des résultats des essais cliniques ou des méta-analyses, et la disparité des pratiques professionnelles ont justifié la tenue d'une conférence de consensus à Paris les 4 et 5 décembre 2003. Cette conférence de consensus a été consacrée au traitement des complications de l'hypertension portale chez le malade atteint de cirrhose. Durant cette conférence, le jury a du répondre aux 6 questions suivantes : Question n° 1 : Comment traiter une hémorragie aiguë par rupture de varices oesophagiennes ? Question n° 2 : Que doit-on faire pour prévenir les hémorragies par rupture de varices oesophagiennes ? Question n°3 : Comment prévenir et traiter les hémorragies par varices gastriques, ou ectopiques ou par gastropathie congestive ? Question n° 4 : Comment prévenir les récidives hémorragiques ? Question n° 5 : Comment traiter une ascite ? Question n° 6 : Comment traiter les complications pleuropulmonaires ? Question 1 : Comment traiter une hémorragie aiguë par rupture de varices oesophagiennes ? L'hémorragie digestive est définie par la présence d'une hématémèse, ou d'un méléna, ou par la présence de sang dans une sonde nasogastrique. La phase d'hémorragie aiguë correspond aux 48 premières heures. En l'absence d'hémorragie digestive significative de la 24 ème à la 48 ème heure, une hémorragie après la 48 ème heure définit une récidive précoce. La rupture de varices oesophagiennes est une urgence. La prise en charge doit commencer le plus tôt possible, idéalement au domicile du malade ou pendant le transport médicalisé. Le malade doit être hospitalisé dans un établissement comportant au moins une unité de soins intensifs et un plateau technique d'endoscopie. La prise en charge apprécie d'abord la gravité et le terrain ; elle comprend des mesures communes à toutes les hémorragies digestives et des mesures spécifiques propres à l'hypertension portale. Appréciation de la gravité de l'hémorragie et du terrain L'estimation de la gravité de l'hémorragie digestive repose sur la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la fréquence respiratoire, la recoloration capillaire, l'agitation et les troubles de conscience. L'interprétation de deux de ces facteurs peut être difficile chez le cirrhotique : la fréquence cardiaque est modifiée par l'hypercinésie circulatoire et la prise éventuelle de bêta-bloquants ; les troubles de conscience peuvent être en partie liés à une encéphalopathie hépatique. L'hématocrite initial n'est pas un bon reflet de la perte sanguine car l'hémodilution n'apparaît qu'en quelques heures. Le caractère actif de l'hémorragie est un des éléments pronostiques mais il n'est pas toujours facile à déterminer. L'intérêt du lavage par sonde nasogastrique pour l'apprécier n'est pas clairement démontré. Le saignement est cliniquement significatif s'il nécessite une transfusion d'au moins 2 concentrés érythrocytaires dans les 24 premières heures et si la pression artérielle systolique est inférieure à 100 mm Hg ou chute de plus de 20 mm Hg au passage en position debout, et/ou si la fréquence cardiaque est à plus de 100 battements par minute. Lorsque le diagnostic de cirrhose n'est pas connu, il est nécessaire de le rechercher précocement. A ce stade, on utilise des critères anamnestiques et cliniques simples : hépatomégalie à bord antérieur dur, angiomes stellaires, ascite, circulation veineuse collatérale, ictère, signes d'encéphalopathie hépatique. Mesures thérapeutiques non spécifiques Le geste le plus urgent consiste à poser une ou mieux deux voies veineuses périphériques d'un calibre supérieur ou égal à 14 Gauge. Le remplissage vasculaire doit avoir pour objectif de corriger a minima l'hypovolémie en maintenant un équilibre hémodynamique ainsi qu'une pression de perfusion rénale efficace. Lors de la correction, la pression portale augmente plus vite que la volémie, avec un effet délétère sur le risque hémorragique. L'objectif est de maintenir la pression artérielle moyenne à 80 mm Hg. L'excès de remplissage favorise la récidive hémorragique. Aucune étude ne permet de choisir entre cristalloïdes et colloïdes. Les cristalloïdes (soluté salé isotonique) sont préférés en première intention du fait de leur innocuité. En cas d'hémorragie abondante, les colloïdes, excepté l'hydroxyéthylamidon, peuvent être utilisés, malgré leur risque rénal. La supériorité de l'albumine, dans cette situation, n'est pas démontrée. La transfusion de concentrés érythrocytaires doit être adaptée au degré de déglobulisation. Chez un malade réhydraté, elle est recommandée lorsque l'hématocrite est inférieur à 25% et l'hémoglobine inférieure à 7 g/dL. L'objectif est d'obtenir un hématocrite entre 25 et 30% et d'atteindre un taux d'hémoglobine de 7 g/dL. La correction systématique des troubles de la coagulation et de l'hémostase par d'autres produits dérivés du sang (PPSB, plasma frais congelé, plaquettes) n'est pas recommandée. Préparation du malade à l'endoscopie La performance diagnostique et thérapeutique de l'endoscopie dépend de la qualité de la vision perendoscopique. La mise en place d'une sonde nasogastrique n'est pas dangereuse mais le lavage gastrique n'a pas fait la preuve Conférence de consensus sur l'hypertension portale de son efficacité. L'administration intraveineuse de 250 mg d'érythromycine, 30 à 60 minutes avant l'endoscopie, améliore la qualité de l'endoscopie car elle accélère la vidange gastrique. Le maintien d'une ventilation associée à une oxygénation doit être assuré, en particulier pour permettre la réalisation de l'endoscopie. En cas de risque d'inhalation (troubles de conscience, hémorragie abondante, agitation), l'intubation trachéale doit être envisagée. Mesures associées Vingt-cinq à 50% des malades atteints de cirrhose ont une infection en période d'hémorragie. La présence d'une infection doit donc être recherchée chez tous les malades et traitée de façon adaptée. Les aminosides doivent être proscrits. En l'absence d'infection, l'intérêt de l'antibioprophylaxie est validé : elle permet d'obtenir une diminution des infections de 32% et une réduction de la mortalité de 9%. Le choix de l'antibiotique et la durée du traitement ne sont pas clairement définis. Les antibiotiques qui ont été le mieux évalués sont les fluoroquinolones et l'amoxicilline/acide clavulanique. Le schéma recommandé est : norfloxacine 400 mg x 2/jour per os pendant 7 jours. L'encéphalopathie hépatique aiguë contemporaine de l'hémorragie digestive est observée chez 30% des malades, en moyenne. L'efficacité du traitement préventif de l'encéphalopathie (lactulose et antibiotiques non absorbables) n'est pas clairement démontrée dans cette situation. Les diurétiques sont contre-indiqués en période hémorragique. En cas d'ascite, une ponction exploratrice est recommandée pour rechercher une infection. Lorsque l'abdomen est tendu, une évacuation inférieure à 3 litres permet de diminuer la pression intra-abdominale, sans aggraver l'état hémodynamique. Traitement spécifique de l'hémorragie Il comprend des médicaments vaso-actifs et des gestes endoscopiques. L'efficacité de ces méthodes est difficile à apprécier : les schémas thérapeutiques des différents essais sont hétérogènes, les comparaisons sont multiples (versus placebo, autre traitement seul ou associé), les périodes d'étude sont différentes et les critères principaux d'évaluation sont variés (absence de contrôle, récidive précoce, mortalité). Les traitements vaso-actifs
Les varices ne saignent que lorsque le gradient de pression hépatique (GPH) est supérieur à 12 mm Hg. Il est bien établi que si l'on diminue le GPH en dessous de ce seuil, le risque de saignement est pratiquement nul. Deux types de médicaments sont utilisés : la terlipressine, et la somatostatine et ses analogues. En France, la vasopressine a été abandonnée en raison de ses effets secondaires. Il est recommandé de commencer le traitement vaso-actif, dès que possible, lorsque le diagnostic de rupture de varices oesophagiennes est probable sur des bases cliniques. En l'absence de contre-indication, le traitement doit être débuté, si possible au domicile, pendant le transfert à l'hôpital, ou aux urgences. Le traitement doit être prolongé 2 à 5 jours. La terlipressine Les méta-analyses ont démontré que la terlipressine est plus efficace qu'un placebo pour contrôler l'hémorragie et réduire la mortalité. Il est possible qu'elle puisse aussi préserver la fonction rénale. Des effets secondaires ischémiques peuvent survenir : elle est contre-indiquée en cas d'antécédents d'ischémie myocardique, de troubles du rythme cardiaque, d'artériopathie des membres inférieurs ou d'antécédent d'accident vasculaire cérébral. La réalisation d'un électrocardiogramme est nécessaire avant traitement. La terlipressine est administrée toutes les 4 heures en intraveineux lent en fonction du poids : 1 mg si le poids est inférieur à 50 kg, 1,5 mg si le poids est compris entre 50 et 70 kg et 2 mg au delà de 70 kg. La somatostatine La somatostatine est probablement plus efficace qu'un placebo sur le contrôle de l'hémorragie, mais pas sur la survie. Ses effets secondaires sont rares. La somatostatine est administrée en perfusion intraveineuse continue à la dose de 250 µg/h, précédée ou non d'un bolus de 250 µg. L'octréotide L'octréotide est plus utilisé que la somatostatine en raison de son moindre coût. L'efficacité de l'octréotide, utilisé seul, reste discutée : il est apparu équivalent à la terlipressine dans plusieurs études comparatives, mais n'est pas apparu efficace dans l'étude où il a été utilisé seul contre un placebo. Ses effets secondaires sont rares. L'octréotide est administré en perfusion continue de 25 µg/heure, éventuellement précédée d'un bolus de 50 µg, dont l'intérêt n'est pas démontré. Elle est indispensable car elle permet d'affirmer l'origine du saignement. En effet la rupture de varices oesophagienne ne représente que 40 à 75% des causes d'hémorragie chez les malades atteints de cirrhose. L'endoscopie peut être thérapeutique avec deux objectifs, le contrôle du saignement et la prévention d'une rechute précoce. Le moment de sa réalisation dépend de l'efficacité du traitement médical : - Si l'hémorragie n'est pas contrôlée, l'endoscopie est à faire dès que les conditions de sécurité sont remplies. Les critères de saignement persistant sont : transfusion de plus de 3 concentrés érythrocytaires et impossibilité d'augmenter la pression artérielle systolique de 20 mm Hg ou à plus de 70 mm Hg, et/ou fréquence cardiaque à Conférence de consensus sur l'hypertension portale plus de 100 battements par minute ou absence de réduction de 20 battements par minute de la fréquence cardiaque de base. - Si le malade est stable, l'endoscopie peut être différée au delà de la sixième heure pour effectuer le geste dans les meilleures conditions. Les gestes hémostatiques incluent la sclérose et la ligature, plus récente. Ils ont fait la preuve de leur efficacité. Ils donnent des résultats comparables au traitement pharmacologique. Les complications (ulcères, infections) sont plus fréquentes avec la sclérose endoscopique. Le traitement vaso-actif est à instaurer précocement et de manière systématique. Le jury a considéré que les avantages et les inconvénients respectifs de la terlipressine et de la somatostatine et de ses analogues ne permettent pas d'affirmer la supériorité de l'un d'entre eux. L'endoscopie est systématique à titre diagnostique. Il existe des arguments pour associer le traitement endoscopique au traitement pharmacologique : - En cas d'hémorragie active à l'endoscopie, la ligature, si elle est possible, doit être préférée à la sclérose dans cette situation. - Lorsque l'hémorragie est arrêtée, le bénéfice d'un geste thérapeutique lors de l'endoscopie n'est pas démontré. Si un geste endoscopique est décidé, la sclérose n'est pas recommandée et la ligature est alors la technique de choix. Echec des traitements endoscopiques et pharmacologiques La persistance de l'hémorragie ou une récidive précoce se produit dans 20 à 30% des cas. Une nouvelle endoscopie est justifiée en vue d'un geste d'hémostase. Elle permet de contrôler 10% d'hémorragies supplémentaires. Il n'est pas certain que le changement de traitement pharmacologique soit utile. Si l'hémorragie persiste ou récidive précocement (5 à 10% des ruptures de varices oesophagiennes), il s'agit alors d'une hémorragie réfractaire. Les principaux facteurs de risque sont l'existence d'un saignement actif lors de l'endoscopie initiale, l'existence d'une infection bactérienne et un GPH supérieur à 20 mm Hg. Si l'hémorragie est abondante, une sonde de tamponnement de Sengstaken-Blakemore peut être mise en place pour contrôler le saignement avant la réalisation d'un traitement plus radical. Dans ce contexte, chez un malade Child Pugh C qui présente au moins deux défaillances d'organes (parmi les 3 suivantes, cardiocirculatoire, respiratoire et rénale), la probabilité de survie, inférieure à 5%, fait discuter l'utilité de poursuivre des gestes thérapeutiques hémostatiques. Pour les autres, la pose d'un TIPS doit être envisagée en premier lieu, car elle est réalisable quelle que soit la gravité de la maladie hépatique sous-jacente, ne compromet pas la réalisation d'une transplantation hépatique ultérieure et permet de l'attendre. Une échographie Doppler doit rechercher une thrombose porte ou un carcinome hépatocellulaire. Dans l'impossibilité de mettre en place un TIPS, l'anastomose portocave chirurgicale est une alternative pour les malades Child Pugh A et B. QUESTION 2. Que doit-on faire pour prévenir les hémorragies par rupture de varices oesophagiennes ? Malgré l'amélioration de la mortalité hospitalière à 6 semaines qui a diminué de 50% entre 1985 et 1995, la rupture de varices oesophagiennes induit une mortalité de 50% dans l'année, en cas d'insuffisance hépatocellulaire sévère. La prévention de la première hémorragie digestive est un enjeu important. Chez le cirrhotique, l'hypertension portale est définie par une pression portale supérieure à 10 mm Hg ou un gradient de pression hépatique (GPH) supérieur ou égal à 5 mm Hg. Les varices oesophagiennes apparaissent lorsque le gradient est égal ou supérieur à 10 mm Hg et peuvent saigner lorsqu'il est égal ou supérieur à 12 mm Hg. Au delà d'un gradient de pression supérieur ou égal à 12 mm Hg, il n'y a pas de corrélation entre d'une part, le risque hémorragique et d'autre part, la taille des varices oesophagiennes. Facteurs prédictifs de l'hémorragie. Idéalement, l'hypertension portale devrait être évaluée par la mesure du GPH, méthode sûre et reproductible (coefficient de variation 2,6%). Toutefois, cette mesure ne peut être recommandée en routine. Il n'y a pas actuellement de moyen non invasif performant pour identifier les malades à haut risque de varices. Compte tenu d'une forte prévalence de varices oesophagiennes variant de 24 à 80% selon les études, l'examen endoscopique est justifié chez tous les malades atteints de cirrhose. Le risque d'apparition de varices oesophagiennes est évolutif dans le temps. Le risque annuel moyen de développer de nouvelles varices oesophagiennes est de 8 à 12%. Ce risque est influencé par le degré d'insuffisance hépatique et l'ancienneté de la cirrhose. L'augmentation de taille des varices oesophagiennes de grade I varie entre 6 et 70% à 2 ans et serait influencée par l'origine alcoolique de la cirrhose et le degré d'insuffisance hépatique. En raison de la variabilité du risque de saignement, l'identification des malades à haut risque est nécessaire. Les facteurs de risque indépendants du saignement sont : la taille des varices oesophagiennes, la présence de signes rouges et la classification de Child-Pugh. Le risque varie de 7% pour les varices oesophagiennes de grade I, à 30% pour les varices de grade II ou III. Parmi les scores testés, le seul modèle validé prospectivement par des séries indépendantes regroupe ces 3 variables (modèle du North Italian Endoscopic Club (NIEC))., Cependant, ce score est imparfait, n'identifiant qu'une proportion limitée de malades qui vont saigner. Ceci justifie de réaliser une endoscopie chez tous les malades au moment du diagnostic de la cirrhose. Cet examen doit être répété chez les malades sans varice ou avec des varices de grade I à l'endoscopie initiale. L'intervalle de surveillance doit être adapté en fonction du degré d'insuffisance hépatique et/ou de l'origine de la Conférence de consensus sur l'hypertension portale cirrhose. En l'absence de varices oesophagiennes, l'endoscopie doit être répétée tous les 3 ans. Chez les malades ayant des varices oesophagiennes de grade I, l'intervalle recommandé est de 2 ans. Il est ramené à 1 an chez les malades ayant une cirrhose alcoolique et/ou une insuffisance hépatique grave. Si les varices oesophagiennes sont de grade II ou III, il n'y a aucun intérêt à répéter l'endoscopie. Le risque d'hémorragie digestive dépendant aussi du degré d'insuffisance hépatique, le traitement de la maladie causale est primordial chez tous les malades indépendamment de la taille des varices. Chez les malades ayant des varices de grade II ou III, un traitement prophylactique spécifique de l'hémorragie digestive doit être initié. Traitements prophylactiques de l'hémorragie La mortalité élevée et l'incidence de l'encéphalopathie ont fait abandonner les anastomoses portocave chirurgicales. Le shunt portosystémique intrahépatique par voie trans-jugulaire (TIPS), non évalué dans cette indication, ne peut être recommandé. Seuls les traitements endoscopiques et médicamenteux doivent être envisagés. Les traitements endoscopiques
L'éradication des varices oesophagiennes par sclérose réduit le risque hémorragique (risque relatif RR 0,58 [0,47-0,72]) et la mortalité (RR 0,76 [0,62-0,94]) par rapport à l'absence de traitement. L'efficacité de la sclérothérapie est équivalente à celle des bêta-bloquants mais elle est plus complexe, grevée de plus de complications et plus onéreuse. Cette technique d'éradication a été supplantée par la ligature des varices oesophagiennes, plus sûre et plus facile d'utilisation. La ligature diminue le risque hémorragique (RR 0,36 [0,26-0,5]), la mortalité liée à l'hémorragie (RR 0,20 [0,11-0,39]) et la mortalité globale (RR 0,55 [0,43-0,71]). Les résultats des études comparant la ligature des varices oesophagiennes et les bêta-bloquants sont discordants. Ils suggèrent une efficacité supérieure de la ligature pour réduire le risque hémorragique (RR 0,48 [0,24-0,96]), sans différence sur la mortalité liée à l'hémorragie (RR 0,61 [0,20-1,88]) ou la mortalité globale (RR 0,95 [0,56-1,62]). L'éradication des varices oesophagiennes nécessite habituellement la mise en place d'1 à 2 élastiques par cordon variqueux pour un maximum de 5 à 8 élastiques par séance. L'intervalle entre 2 séances de traitement est de 2 à 3 semaines. L'éradication est habituellement obtenue en 4 à 6 séances. L'anesthésie générale améliore la tolérance de l'examen sans qu'une diminution de sa morbidité ait pu être démontrée. Après éradication, une réapparition des varices est observée dans 27% des cas (extrêmes 20-42%) pendant un suivi moyen de 17 mois. La surveillance après éradication n'est pas codifiée. Les traitements médicamenteux
Les dérivés nitrés (mononitrate d'isosorbide) et les diurétiques sont inefficaces en monothérapie. Le propranolol et le nadolol, bêta-bloquants non cardio-sélectifs, agissent en réduisant le débit cardiaque et splanchnique et la pression portale. Leur efficacité a été démontrée par rapport au placebo avec une diminution du risque hémorragique (RR 0,54 [0,39-0,74]). Le risque d'hémorragie des malades traités par bêta-bloquants est de 15% à 2 ans. L'effet sur la mortalité reste controversé. Il n'y a pas actuellement de facteur prédictif de la réponse au traitement. Quinze à 20% des malades ne peuvent pas être traités par bêta-bloquants en raison de contre-indication ou d'intolérance. L'âge n'est pas un facteur limitant du traitement. La posologie est à ajuster pour diminuer la fréquence cardiaque de 25% environ ou obtenir une fréquence cardiaque inférieure à 55 battements par minute. La mesure de la fréquence cardiaque permet de contrôler l'observance. Les doses habituellement efficaces sont de 80 à 160 mg/jour pour le propranolol et de 80 mg/jour pour le nadolol avec des résultats équivalents. L'interruption du traitement est délétère, le risque hémorragique devient alors identique à celui de malades non traités. En conséquence, le traitement par bêta-bloquants doit être poursuivi à vie. Les malades doivent être informés notamment sur les risques encourus en cas d'interruption brutale. Le bénéfice de l'association des bêta-bloquants aux diurétiques et aux dérivés nitrés n'est pas établi en prophylaxie primaire. Il n'y a pas actuellement d'indication à la combinaison de la ligature et des bêta-bloquants en l'absence d'essai disponible. La ligature des varices oesophagiennes et le traitement par bêta-bloquants ont une efficacité démontrée et comparable sur la prévention de la survenue de l'hémorragie par rapport à l'absence de traitement chez les malades ayant des varices de grade II et III. Le moindre coût et la simplicité de mise en œuvre font recommander le traitement par bêta-bloquants en première intention. Chez les malades présentant des contre-indications, une mauvaise observance ou une intolérance aux bêta-bloquants, la prophylaxie primaire par ligature de varices oesophagiennes est recommandée. QUESTION 3. Comment prévenir et traiter les hémorragies par varices gastriques, ou ectopiques ou par gastropathie congestive ? Varices gastriques La prévalence des varices gastriques est estimée à 25% des malades ayant une hypertension portale. Les hémorragies par varices gastriques représentent environ 10% des hémorragies digestives hautes associées à une hypertension portale. Les varices gastriques saignent moins souvent que les varices oesophagiennes, mais leurs hémorragies sont plus sévères (mortalité de 45 à 55%). On différencie 4 types de varices gastriques : les varices oesogastriques de type 1 (GOV1) qui correspondent aux varices oesophagiennes se prolongeant au dessous de la jonction oesogastrique sur la petite courbure, les varices Conférence de consensus sur l'hypertension portale oesogastriques de type 2 (GOV 2) associant des varices fundiques et des varices oesophagiennes, les varices gastriques fundiques sans varices oesophagiennes (IGV1) ; les varices siégeant au niveau du corps, de l'antre ou de la partie initiale du duodénum sont les varices gastriques isolées de type 2 (IGV2). Les varices gastriques sont dites primaires si elles sont mises en évidence dès le diagnostic de cirrhose, ou secondaires si elles apparaissent après l'oblitération des varices oesophagiennes. La prise en charge des varices gastriques, qu'il s'agisse du traitement de l'hémorragie ou de la prophylaxie primaire ou secondaire, a fait l'objet de nombreuses études. La synthèse est difficile : les études sont le plus souvent rétrospectives, de faibles effectifs, imprécises ; elles ne différencient pas souvent varices gastriques et varices oesophagiennes ; elles ne sont pas stratifiées en fonction du type de varices gastriques et ne comparent que rarement les diverses modalités thérapeutiques. Hémorragie aiguë
Le traitement non spécifique n'est pas différent de celui utilisé pour les hémorragies par rupture des varices oesophagiennes. Aucune étude prospective n'a étudié les effets hémostatiques de la terlipressine ou de la somatostatine et de ses analogues dans la rupture des varices gastriques. Par similitude avec les varices oesophagiennes, ces substances sont généralement utilisées. La sclérose endoscopique assure l'arrêt du saignement dans 70 à 80% des cas, surtout dans le groupe GOV1. Le taux de récidive précoce est de 60 à 90%, plus élevé dans le groupe des varices non GOV1, et expliqué en partie par des ulcères post-sclérose. La ligature endoscopique (à l'aide d'élastiques ou d'anses détachables) assure l'arrêt du saignement dans 45 à 90% des cas. Le taux de récidive hémorragique est de 0 à 54%. La colle chimique (le N-butyl-2-cyanoacrylate et le butyl-2-cyanoacrylate), permet d'obtenir une hémostase primaire dans 90% des cas, avec un taux de récidive hémorragique de 30 à 50%, en moyenne. L'isobutyl-2-cyanoacrylate n'est plus utilisé. Le cyanoacrylate est habituellement mélangé au lipiodol dans un rapport 1 :1. Du fait de la viscosité de ce dernier, des seringues de 2 ml doivent être employées pour assurer une pression forte. La plupart des études recommandent l'injection d'un volume de 1 ml par points. La complication la plus sévère est l'embolie systémique par migration de la colle dans les dérivations veineuses. Le tamponnement ne garde une utilité qu'en cas d'échec des traitements endoscopiques dans l'attente d'un traitement plus radical. La sonde de Linton Nachlas doit être préférée. Peu d'études ont analysé l'intérêt du TIPS pour la rupture de varices gastriques. Le taux d'hémostase initiale est de l'ordre de 95%. Le taux de récidive hémorragique précoce est de 15 à 20%. La quasi totalité des récidives hémorragiques après pose d'un TIPS est liée à un dysfonctionnement, par sténose ou obstruction de la prothèse. Dans l'impossibilité de réalisation d'un TIPS, l'anastomose portocave chirurgicale est une alternative pour les malades Child A et B. En cas d'hémorragie par rupture de varices gastriques, il est licite de réaliser un geste hémostatique : en cas de varices de type GOV1, sclérose et ligature sont à envisager en première intention ; en cas de varices gastriques non GOV1, il faut privilégier l'obturation par colle chimique. La mise en place du TIPS se justifie en cas d'échec des traitements endoscopiques. Prévention primaire
Aucune étude ayant utilisé les bêta-bloquants, n'a pris en compte séparément les varices gastriques. Par analogie avec la prise en charge des varices oesophagiennes, la prescription de bêta-bloquant est recommandée dans cette situation, en l'absence de contre-indication. La prévention d'une rupture de varices gastriques par un traitement endoscopique ne peut pas être recommandée. Prévention secondaire
Aucune étude ne permet de donner une recommandation, même si le taux de récidive est élevé. Cependant, par analogie à la prévention secondaire des varices oesophagiennes, les bêta-bloquants peuvent être proposés chez un malade n'en ayant pas reçu en prophylaxie primaire. Dans tous les cas, le TIPS et la transplantation doivent être discutés. Varices ectopiques Elles correspondent au développement de la circulation collatérale en dehors de la région oesocardiofundique. Elles peuvent être présentes sur l'ensemble du tube digestif, notamment au niveau du duodénum, du rectum et des stomies. Leur prévalence au cours de la cirrhose est de 1 à 30%. Elles sont associées dans 70% des cas à des varices oesophagiennes. Les hémorragies par rupture de varices ectopiques représentent moins de 5% des hémorragies de l'hypertension portale. Le traitement de leur rupture n'est pas standardisé et repose, au cas par cas, sur les médicaments vaso-actifs, le geste endoscopique en fonction de la localisation anatomique, et le TIPS. Pour le traitement préventif, aucune recommandation ne peut être proposée. Gastropathie congestive de l'hypertension portale Si la gastropathie congestive est fréquente, les hémorragies sont rares et peu sévères. Aucune attitude ne peut être recommandée. A la phase aiguë, les médicaments vaso-actifs peuvent être utilisés. Les bétabloquants peuvent être utilisés en prophylaxie secondaire. Le TIPS est à discuter dans les formes sévères ou récidivantes. Il est important de reconnaître les ectasies vasculaires antrales associées à la gastropathie congestive. Les ectasies, à elles seules, ne semblent pas être une indication de TIPS, car elles ne seraient pas liées à l'hypertension portale. Dans cette situation, le traitement par coagulation argon peut être envisagé dans les formes sévères. Conférence de consensus sur l'hypertension portale QUESTION 4. Comment prévenir les récidives hémorragiques ? Après le contrôle d'une hémorragie digestive par rupture de varices oesophagiennes, une récidive survient chez 17% des malades dans les 6 semaines et chez 70% à 2 ans. Elle est responsable du décès d'1 malade sur 3. L'insuffisance hépatique, la présence d'un carcinome hépatocellulaire, la poursuite d'une intoxication alcoolique sont des variables prédictives indépendantes de la survenue d'une récidive hémorragique. Le traitement de la maladie causale est primordial chez tous les malades afin d'améliorer l'insuffisance hépatocellulaire et par conséquent le risque hémorragique. Malgré ces variables, la prévention de la récidive hémorragique doit être appliquée à l'ensemble des malades ayant saigné. Les objectifs du traitement prophylactique sont de diminuer la fréquence des récidives hémorragiques et la mortalité. Traitements prophylactiques Méthodes chirurgicales
Les méthodes chirurgicales d'anastomoses portocaves préviennent la récidive mais augmentent le risque d'encéphalopathie sans qu'il soit observé d'amélioration de la survie. Ces données ne permettent pas de recommander les dérivations chirurgicales portosystémiques. La transplantation hépatique ne peut être discutée comme un traitement prophylactique. Le TIPS a été comparé aux traitements endoscopiques (sclérose ou ligature) et aux traitements médicamenteux. Par rapport au traitement endoscopique, il réduit le risque hémorragique (31%, [23% - 39%]) sans amélioration de la survie (2%, [-4% - 9%]) mais au prix d'une augmentation de l'incidence de l'encéphalopathie (16%, [10 - 22%]). Il se complique d'une sténose ou d'une obstruction dans 55% des cas. Dans une étude randomisée, les malades traités par TIPS présentaient moins de récidives hémorragiques que ceux traités par bêta-bloquants et dérivés nitrés (13% vs 42%), plus d'épisodes d'encéphalopathie (38% vs 14%) et plus d'aggravation de la fonction hépatique (72% vs 45%) sans différence significative sur la survie à 2 ans (72% vs 72%). Il reste à évaluer le bénéfice obtenu par l'utilisation de prothèses couvertes de polytétrafluoroéthylène dont le risque d'obstruction ne serait que de 20% par an. Traitements endoscopiques
Par rapport à l'absence de traitement, la sclérothérapie réduit le risque de récidive hémorragique et améliore la survie. Une méta-analyse a montré la supériorité de la ligature sur la sclérothérapie en terme de récidive hémorragique sans modification de la survie et la fréquence des récidives des varices. La sclérothérapie est désormais remplacée par la ligature. L'association de la ligature et de la sclérothérapie a montré une augmentation des effets indésirables, sans bénéfice. Traitements médicamenteux
Les bêta-bloquants diminuent le risque de récidive hémorragique (48% vs 68%) et améliorent la survie (74% vs 67%) par rapport à l'absence de traitement. La plupart des études ont évalué des malades ayant saigné sans prophylaxie primaire. Les bêta-bloquants ont une efficacité similaire à la sclérothérapie en terme de prévention de la récidive hémorragique et en terme de survie avec un taux moins important d'effets indésirables (25% vs 44%). Les dérivés nitrés en monothérapie n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Les traitements combinés
L'association de la sclérothérapie aux bêta-bloquants n'apporte pas de bénéfice par rapport au traitement par bêta-bloquants seuls. Un seul essai suggère un bénéfice de l'association de la ligature aux bêta-bloquants sur la prévention de la récidive hémorragique. Dans la pratique clinique, l'association bêta-bloquants et ligature est fréquente. Cette attitude, actuellement non validée, justifie des études complémentaires. Les résultats discordants des études comparant l'association bêta-bloquants et dérivés nitrés par rapport aux bêta-bloquants seuls ne permettent pas de recommander cette association. Surveillance de l'efficacité des traitements Chez les malades traités par bêta-bloquants, des études ont suggéré que la réduction du gradient de pression hépatique (GPH) serait associée à la réponse clinique. Cependant, le caractère invasif de la mesure du GPH, sa réalisation limitée à certains centres, et le nombre élevé de malades susceptibles d'en bénéficier, rendent sa large diffusion impossible. Il est recommandé de poursuivre les études dans ce domaine en privilégiant des méthodes moins invasives et applicables en routine. Chez les malades dont les varices ont été éradiquées par la ligature, l'intérêt de la surveillance est probable mais non démontré. Le rythme de cette éventuelle surveillance n'est pas codifié. Le jury a considéré qu'il y avait quatre situations possibles en fonction des conditions de survenue de la première hémorragie. z Situation 1 : la première hémorragie est survenue chez un malade naïf de toute prophylaxie primaire. Le
traitement par bêta-bloquants et l'éradication par ligature sont les deux options. z Situation 2: la première hémorragie est survenue alors que le malade recevait une prophylaxie primaire
Conférence de consensus sur l'hypertension portale par bêta-bloquant à posologie adaptée. Cette situation est considérée comme un échec thérapeutique des bêta-bloquants et la poursuite de ce traitement ne semble pas utile en monothérapie. L'éradication des varices par ligature est recommandée. z Situation 3 : la première hémorragie est survenue chez un malade qui recevait une prophylaxie primaire
par bêta-bloquant à posologie insuffisante. L'éradication par ligature ou la poursuite du traitement par bêta-bloquant à posologie efficace sont les deux options possibles. z Situation 4 : la première hémorragie est survenue chez un malade qui avait reçu une prophylaxie
primaire par ligature endoscopique, en raison d'une contre-indication aux bêta-bloquants. Le TIPS est la première option à envisager. En cas d'impossibilité, l'optimisation du traitement endoscopique doit être tentée. En cas d'échec de la prophylaxie secondaire, le TIPS, même en l'absence d'évaluation dans cette indication, est l'option la plus logique dans les trois premières situations. Dans toutes les situations, la transplantation hépatique doit être envisagée. QUESTION 5. Comment traiter une ascite ? Première poussée d'ascite Dans l'histoire naturelle de la cirrhose, l'apparition d'une ascite constitue un tournant évolutif. Trente pour cent des cirrhotiques développent une ascite au cours de l'évolution de leur maladie. Dix pour cent des malades ascitiques développent une ascite réfractaire. Un syndrome hépatorénal survient chez 4 à 10% des malades hospitalisés pour ascite. L'ascite est secondaire à une hypertension portale et à une insuffisance hépatocellulaire. En réponse à l'action de substances vasodilatatrices, se développe un syndrome d'hypercinésie circulatoire avec augmentation du débit sanguin dans le territoire porte et diminution de la résistance vasculaire périphérique, provoquant une hypovolémie efficace. Celle-ci entraîne l'activation de systèmes vasoconstricteurs et antinatriurétiques favorisant la rétention hydro-sodée qui précède et entretient la formation d'ascite. Il n'y a pas de traitement préventif spécifique de la première poussée d'ascite chez les cirrhotiques. En revanche, certains facteurs favorisant son apparition doivent être évités : apports excessifs de sel et médicaments favorisant la rétention hydrosodée. Seul le traitement de l'hépatopathie chronique, y compris la transplantation hépatique, est capable de corriger à la fois l'insuffisance hépatique et l'hypertension portale. Traitement de la maladie hépatique causale
En cas de cirrhose alcoolique, l'abstinence peut permettre d'obtenir la correction de l'insuffisance hépatique et la disparition de l'ascite. De même, en cas d'hépatite alcoolique grave, de cirrhose virale ou de cirrhose auto-immune, des traitements spécifiques favorisent une régression partielle ou totale de l'ascite. Traitement de la poussée
Une hospitalisation initiale est recommandée afin de s'assurer de l'existence d'une cirrhose, de rechercher et évaluer la gravité d'autres complications, de rechercher un facteur déclenchant, d'évaluer l'état rénal et cardiaque, de réaliser une ponction d'ascite exploratrice avec dosage des protides et examen cytobactériologique. Elle permet aussi d'informer le malade et de débuter son traitement. Ce dernier repose sur la correction de la rétention hydrosodée et les ponctions évacuatrices auxquelles une expansion volémique peut être associée. Traitement de la rétention hydrosodée
L'objectif du traitement est la disparition de l'ascite, mesurée par la perte de poids. Le repos au lit, qui augmenterait la natriurèse, n'a pas fait la preuve de son efficacité. Il n'est pas recommandé. Le régime hyposodé est la première mesure à prendre. En pratique, un régime peu restrictif apportant 2 à 3 g de sel par jour ( 30 à 50 mmol/jour de sodium) est recommandé. Un régime plus restrictif peut être mal suivi, réduire l'apport alimentaire et favoriser la dénutrition. La mesure de la natriurèse est utile. Si la natriurèse est supérieure à 30 mmol/24 h sous régime désodé (10 à 22% des cas), ce dernier peut suffire à corriger l'ascite. La surveillance du poids et de la natriurèse permettent d'évaluer l'observance du régime désodé. La restriction hydrique n'est pas efficace comme traitement de l'ascite. Elle ne doit être discutée qu'en cas d'hyponatrémie (< 125 mmol/L) et en l'absence d'insuffisance rénale. Les diurétiques peuvent être associés d'emblée au régime désodé, en l'absence de contre indication : insuffisance rénale, hyponatrémie sévère (< 125 mmol/L), encéphalopathie, hypotension. Le diurétique de première intention est la spironolactone. La dose initiale recommandée est de 75 mg/jour. Elle peut être augmentée jusqu'à 300 mg/jour en fonction de la réponse, mesurée par la perte de poids. Celle-ci ne doit pas dépasser 500 g/jour en l'absence d'oedèmes et 1 kg/jour en présence d'oedèmes. Au delà, il existe un risque d'insuffisance rénale fonctionnelle. Il semble souhaitable de réduire la posologie avant la disparition complète de l'ascite. En l'absence de réponse à l'augmentation des doses de spironolactone, le furosémide doit être associé à la dose initiale de 40 à 80 mg/jour, dose qui peut être progressivement augmentée sans dépasser 120 mg/jour. Au delà de ces posologies, l'augmentation des doses de diurétiques apporte peu de bénéfice mais est, par contre, fréquemment associée à l'apparition d'effets secondaires, en particulier d'une insuffisance rénale fonctionnelle. Les principaux effets secondaires, qui peuvent nécessiter l'arrêt du traitement, sont l'hyperkaliémie (favorisée par la prise concomitante de sels de régime), l'hypokaliémie, l'hyponatrémie, l'insuffisance rénale, la gynécomastie et l'impuissance (pour la spironolactone). Les paramètres d'appréciation de la tolérance sont cliniques (poids, pression artérielle et encéphalopathie) et biologiques (urée, créatininémie, ionogramme sanguin). L'utilité de l'association au traitement diurétique d'une expansion volémique par perfusion d'albumine reste Conférence de consensus sur l'hypertension portale discutée. Elle n'est pas recommandée en dehors d'essais cliniques. En présence d'une ascite non compliquée, la réponse est obtenue par le régime désodé seul chez 10 à 15% des malades, par l'adjonction de spironolactone chez 70 à 80% des malades. L'adjonction de furosémide n'est nécessaire que dans 5 à 10% des cas. L'échec de ces mesures défini l'ascite réfractaire, observée dans 5 à 10% des cas. Ponctions évacuatrices
Les indications de la ponction évacuatrice sont l'ascite tendue, lorsqu'elle est responsable d'une gêne fonctionnelle, et la résistance à l'association d'un régime désodé et de diurétiques. Il n'y a pas d'inconvénient à l'évacuation complète de l'ascite en une séance. Cependant, au delà de 2 litres évacués apparaît un risque de dysfonction circulatoire (hypotension, hypovolémie efficace et activation des systèmes antinatriurétiques, favorisant la reconstitution de la rétention hydrosodée). Il semble que l'intensité de cette dysfonction circulatoire soit plus faible en cas d'évacuation lente qu'en cas d'évacuation rapide. La dysfonction circulatoire peut être prévenue par une expansion volémique. La nature du soluté de remplissage dépend du volume d'ascite évacuée. En dessous de 2 litres d'ascite évacués, il n'y a pas lieu de compenser. Entre 2 et 5 litres, l'expansion volémique peut être proposée mais n'a pas démontré d'effet sur la survie et les différents solutés de remplissage semblent équivalents à l'albumine. Au delà de 5 litres, l'albumine humaine à 20% est recommandée (14 g pour 2 litres d'ascite évacués). Les hydroxyéthylamidons ne doivent pas être utilisés en raison d'un risque de toxicité hépatique et rénale. L'intérêt des antagonistes des récepteurs de la vasopressine, des inhibiteurs de l'angiotensine II et de l'adjonction de vasoconstricteurs à l'expansion volémique reste à évaluer. Ascite réfractaire La survenue d'une ascite réfractaire au cours d'une cirrhose est souvent le reflet d'une insuffisance hépatique sévère. La survie, chez ces malades, est de 40 à 60% à 1 an et de 20 à 40% à 2 ans. On parle d'ascite réfractaire lorsque l'ascite ne peut être éliminée ou récidive rapidement malgré le traitement médical. On rencontre deux sous types : l'ascite résistante aux diurétiques, où l'association restriction hydrosodée et diurétiques est inefficace, et l'ascite intraitable où l'utilisation de diurétiques est efficace mais induit des complications sévères qui contre-indiquent leur utilisation. Traitements
Le seul traitement curatif est la transplantation hépatique, avec un taux de survie de 70 à 80% à 5 ans, mais elle ne peut être réalisée que chez une minorité des malades. Les autres traitements sont les ponctions évacuatrices, le TIPS, la dérivation péritonéojugulaire et les anastomoses portocaves chirurgicales. Les ponctions évacuatrices itératives de grand volume avec expansion volémique par de l'albumine constituent la méthode la plus simple. Elles sont recommandées en première intention. Le risque d'infection du liquide d'ascite secondaire aux ponctions est faible (<1%). Les troubles de la coagulation ne sont pas une contre-indication. La dérivation péritonéojugulaire consiste à évacuer l'ascite dans la circulation sanguine à l'aide d'une tubulure sous-cutanée munie d'une valve anti-reflux, faisant communiquer la cavité péritonéale et la veine jugulaire interne. Son efficacité (contrôle de l'ascite, fréquence des réhospitalisations et survie) est identique à celle des ponctions répétées, mais ses complications fréquentes (coagulopathie, obstruction du shunt ou thrombose veineuse, infections, péritonite encapsulante) en ont limité les indications, en particulier chez les malades candidats à une transplantation. L'anastomose portocave chirurgicale, très efficace sur l'ascite, n'est pas recommandée en raison de taux de mortalité et de complications postopératoires prohibitifs. Le TIPS constitue un équivalent hémodynamique de l'anastomose chirurgicale latérolatérale. Il est contre-indiqué en cas de thrombose porte, d'insuffisance cardiaque, d'hypertension artérielle pulmonaire et d'encéphalopathie hépatique. Sa présence ne complique pas la réalisation d'une transplantation hépatique ultérieure. Il contrôle mieux l'ascite que les ponctions itératives (51 vs 17%) mais sans améliorer la survie. Il peut aggraver l'insuffisance hépatique et favoriser la survenue d'une encéphalopathie, en particulier chez les malades Child C. La fréquence de l'obstruction progressive observée avec les premières prothèses (60%) a diminué (20%) avec l'utilisation récente de prothèses couvertes (polytétrafluoroéthylène). Sa prévention par les anti-agrégants ou les anticoagulants n'a pas d'efficacité démontrée. En pratique, la transplantation hépatique est le traitement de l'ascite réfractaire. En attente de transplantation, le TIPS doit être préféré aux ponctions évacuatrices si la durée d'attente prévisible est supérieure à 6 mois. Si le TIPS est contre-indiqué ou si le délai d'attente prévisible est court, les ponctions avec expansion volémique sont recommandées. Chez les malades non candidats à la transplantation, le choix d'une des trois thérapeutiques suivantes : ponctions itératives, TIPS, dérivation péritonéojugulaire, dépend de l'état général et nutritionnel, de la fonction hépatique et de la perméabilité du système porte. Syndrome hépatorénal Le syndrome hépatorénal (SHR) est une insuffisance rénale fonctionnelle qui complique l'insuffisance hépatocellulaire des cirrhoses en phase terminale. Il est lié à la stimulation des systèmes vasoconstricteurs endogènes en réponse à l'hypovolémie efficace, aboutissant à une hypoperfusion rénale par vasoconstriction artériolaire rénale majeure. Des critères majeurs sont indispensables au diagnostic (tableau 1) SYNDROME HEPATO-RENAL
Conférence de consensus sur l'hypertension portale CRITERES DIAGNOSTIQUES (Arroyo, Hepatology 1996; 23: 164-76) Critères Majeurs
Critères Mineurs
Réduction de la filtration glomérulaire - Diurèse < 500 mL/j - Créatinine >1,5 mg/dL (130 mmol/L) - Natriurèse < 10 mEq/L - Clairance créatinine < 40 mL/min - Osm urinaire > Osmolalité plasmatique - Natrémie < 130 mEq/L - Hématurie < 50 cel /champ Absence d'autre cause : - Choc, sepsis, hypovolémie - Médicaments néphrotoxiques - Absence de néphropathie organique : >> Protéinurie < 0.5g/j >> Echographie rénale normale Absence de réponse à une expansion volémique, après arrêt des dirurétiques - Albumine 20 % : 200 mL - Sérum physiologique 1500 mL Chez le cirrhotique ascitique à fonction rénale initialement normale, la probabilité de survenue d'un SHR a été évaluée à 18% à un an et à 39% à cinq ans. On distingue 2 types de SHR. Le SHR de type 1 est défini par une insuffisance rénale aiguë rapidement évolutive (créatininémie > 230 mmol/L, ou clairance de la créatinine < 20 ml/min), en moins de 15 jours. La médiane de survie spontanée est de 15 jours à partir du diagnostic. Le SHR de type 2 est caractérisé par une insuffisance rénale moins sévère et d'évolution plus lente. La médiane de survie spontanée est de l'ordre de 6 mois. Le passage à un SHR de type 1 peut survenir à l'occasion d'un facteur précipitant. Traitement préventif
Il consiste à éviter les événements favorisants : ponctions d'ascite évacuatrices de grand volume non compensées, utilisation excessive des diurétiques, infection spontanée du liquide d'ascite, hémorragie digestive, hépatite alcoolique aiguë grave. Il consiste aussi à éviter d'altérer la fonction rénale par l'administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens incluant les anti-COX 2, d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion, de dérivés nitrés ou de sartans. En cas d'insuffisance rénale débutante, l'optimisation précoce et intensive de l'état hémodynamique systémique et rénal peut prévenir l'apparition du SHR. Traitement curatif
Le traitement curatif idéal est la transplantation hépatique. Avant d'y parvenir ou en cas de contre-indication, différents traitements peuvent être proposés : - Les traitements vaso-actifs La terlipressine administrée en bolus intraveineux (1 mg 2 à 4 fois/jour), associée à une expansion volémique par albumine (1 g/kg le 1er jour, puis 20 à 40 g/jour) permet une amélioration de la fonction rénale dans 40 à 60% des cas et semble améliorer la survie. La durée habituelle du traitement est de 5 à 15 jours. La noradrénaline semble prometteuse mais l'expérience reste limitée. - Le TIPS En augmentant la part de volume sanguin splanchnique retournant dans la circulation systémique, il réduit l'activation des systèmes vasoconstricteurs et améliore le débit de filtration glomérulaire. Les données sont limitées, mais ont montré une efficacité sur la fonction rénale avec une survie à 3 mois de 64% et de 90% respectivement dans les SHR 1 et 2. Le bénéfice était net chez les malades dont la bilirubinémie était < 85 µmol/L et dont le score de Child-Pugh était inférieur ou égal à 12. - Les techniques d'épuration hépatique et rénale. L'hémodialyse ou l'hémofiltration n'ont pas montré d'efficacité. Le système MARS (Molecular Adsorbent Recirculating System) est une nouvelle technique combinant une dialyse sur albumine et une adsorption sur colonne de charbon et de résine. Son efficacité est suggérée dans des essais préliminaires. Son utilisation n'est concevable actuellement que dans le cadre d'essais cliniques prospectifs. En pratique, pour les SHR de type 1, la fonction hépatique est habituellement incompatible avec la mise en place d'un TIPS, et la terlipressine associée à l'albumine est utilisée prioritairement. Pour les SHR de type 2, les places respectives du TIPS et de la terlipressine doivent être évaluées. L'utilisation du TIPS dépend de la réponse à la terlipressine, de la fonction hépatique et du délai d'attente d'une éventuelle transplantation hépatique. Infection du liquide d'ascite L'infection du liquide d'ascite (ILA) survient chez 8 à 30% des malades hospitalisés avec ascite. Elle est une des causes principales de mortalité chez le malade cirrhotique. Cette mortalité a diminué grâce à un diagnostic plus précoce, et aux progrès des traitements préventifs et curatifs. La mortalité hospitalière de l'ILA est actuellement inférieure à 30%. Après guérison d'un premier épisode d'ILA, la probabilité de récidive est de 40 à 70% à 1 an, en l'absence de prophylaxie. La translocation bactérienne est à l'origine d'infections à germes digestifs qui restent les plus fréquentes (2/3 de bactéries à Gram négatif). D'autres portes d'entrées sont possibles, en particulier des infections nosocomiales secondaires à des actes invasifs. Plusieurs facteurs ont été associés à la survenue d'une ILA : une concentration en protides dans l'ascite inférieure à 10 g/L, une hémorragie digestive, un traitement Conférence de consensus sur l'hypertension portale hémostatique endoscopique. Diagnostic
Tout cirrhotique hospitalisé pour une poussée d'ascite (en dehors du cadre des ponctions itératives) doit avoir une ponction exploratrice à visée cytobactériologique car les manifestations habituelles d'infection (fièvre, hyperleucocytose) sont souvent absentes. Elle doit être répétée devant l'apparition de douleurs abdominales, de diarrhée, d'une hémorragie digestive, d'une encéphalopathie ou d'une insuffisance rénale. Le diagnostic d'ILA repose sur la présence de plus de 250 polynucléaires neutrophiles/mm3. La seule présence d'une culture positive avec un nombre de polynucléaires neutrophiles dans l'ascite < 250/mm3 (bactériascitie) ne signe une infection d'ascite que s'il s'y associent des signes locaux ou généraux d'infection. La faible concentration bactérienne explique la fréquente négativité de l'examen direct et justifie l'utilisation systématique d'un ensemencement sur flacons d'hémoculture au lit du malade. Une infection polymicrobienne ou à bactérie anaérobie est évocatrice de perforation digestive. L'utilisation de bandelettes urinaires (évaluation semi-quantitative de l'estérase leucocytaire) dans le liquide d'ascite permettrait de dépister rapidement l'ILA. Elle ne dispense pas de la technique de référence qui reste l'examen cytobactériologique. Traitement curatif
Il repose sur l'administration d'un antibiotique et la perfusion d'albumine. L'adjonction d'albumine à la dose de 1,5 g/kg le premier jour, répétée à une dose de 1 g/kg le troisième jour, diminue significativement l'incidence de l'insuffisance rénale (10% versus 33%) et la mortalité hospitalière (10% versus 29%). Cet effet est surtout net chez les malades les plus graves. Le choix de l'antibiotique est basé sur la nature des bactéries les plus fréquemment rencontrées (entérobactéries et cocci Gram positif), de sa diffusion dans l'ascite et de son innocuité rénale (néphrotoxicité des aminosides). Compte tenu de ces critères de sélection, les schémas suivants sont recommandés : - céfotaxime intra-veineux, 1 g x 4 / jour. - amoxicilline-acide clavulanique intraveineux, 1 g/0,125g x 3/jour avec un relais oral possible après 24 h . - ofloxacine 200 mg x 2/jour per os ou intraveineux Une durée du traitement de 5 jours est validée pour le céfotaxime. Elle n'est pas établie pour les deux autres antibiotiques mais une durée moyenne de 7 jours peut être proposée. Le traitement antibiotique doit être adapté à la fonction rénale, aux antibiotiques récemment reçus par le malade, aux résistances éventuelles aux antibiotiques, à l'écologie bactérienne locale. L'efficacité du traitement est vérifiée à 48 heures par nouvelle ponction qui doit montrer une diminution d'au moins 50% du taux de polynucléaires neutrophiles. Dans le cas contraire, il est recommandé de modifier l'antibiothérapie en élargissant son spectre, et de l'adapter à l'antibiogramme si une bactérie a pu être isolée. Traitement préventif
Il est indiqué chez les malades ayant une hémorragie digestive (bénéfice en terme de réduction de l'incidence des infections dans 5 essais contrôlés, et de la survie à court terme dans leur méta-analyse). Il est aussi indiqué après un épisode d'ILA (réduction de l'incidence des récidives dans plusieurs essais contrôlés et bénéfice sur la survie dans une méta-analyse). En cas d'hémorragie digestive, le schéma recommandé est la norfloxacine à la posologie de 400 mg/12 h per os pendant une durée de 7 jours. Après une première ILA, l'antibiotique recommandé est également la norfloxacine à la posologie de 400 mg/24 h. Dans cette situation, la durée du traitement n'est pas consensuelle (4 à 20 mois selon les études). Dans ces deux indications, d'autres antibiotiques ont été proposés (cotrimoxazole, ciprofloxacine) mais sont discutés. L'intérêt de l'antibio-prophylaxie par norfloxacine (400 mg/24 h pendant 6 mois) pour les malades ayant comme seul facteur de risque un taux de protides dans le liquide d'ascite inférieur à 10 g/L est discuté. Sa généralisation à l'ensemble de cette population risque de favoriser l'émergence de souches multirésistantes. Des études sont nécessaires pour mieux cibler les populations qui pourraient en tirer bénéfice. QUESTION 6. Comment traiter les complications pleuropulmonaires ? Des complications pleuropulmonaires sont fréquemment observées au cours de la cirrhose, en particulier lorsqu'il existe une insuffisance hépatique sévère. La plupart de ces anomalies ne sont pas spécifiques : pneumopathies infectieuses, compression des bases pulmonaires par l'ascite, bronchopneumopathies obstructives associées. D'autres, plus rares, sont spécifiques et nécessitent une prise en charge particulière. Il s'agit de l'accumulation de liquide d'ascite dans la cavité pleurale (hydrothorax hépatique), du syndrome hépatopulmonaire et de l'hypertension portopulmonaire. L'hydrothorax hépatique L'hydrothorax hépatique se définit comme un épanchement pleural abondant (>500 mL) chez un cirrhotique, en l'absence de toute autre pathologie cardiaque, pulmonaire ou pleurale. Il est observé chez 5% des cirrhotiques environ. L'épanchement résulte du passage direct de l'ascite, de la cavité péritonéale vers la cavité pleurale, au travers de brèches diaphragmatiques spontanées de petite taille. Le gradient de pression hydrostatique existant à l'état normal entre la cavité abdominale et la cavité pleurale favorise ce passage. L'épanchement pleural se constitue le plus souvent à droite (85% des cas) mais il peut occasionnellement siéger à gauche ou être bilatéral. L'ascite qui l'accompagne est le plus souvent réfractaire mais peut également être totalement absente. Les manifestations de l'hydrothorax sont communes à celles des autres épanchements pleuraux avec en particulier une dyspnée et une toux. Son volume peut retentir sévèrement sur la fonction ventilatoire ou cardiaque. L'épanchement contient le plus souvent moins de 25 g/L de protides. Le diagnostic impose d'écarter une cause cardiaque ou pleuropulmonaire d'épanchement pleural (échographie cardiaque, scanner thoracique, Conférence de consensus sur l'hypertension portale examen bactériologique et biopsie pleurale si l'hémostase le permet peuvent être nécessaires). Pour affirmer l'origine abdominale de l'épanchement pleural, un marqueur isotopique (sulfocolloïdes marqués) peut être injecté dans la cavité péritonéale pour enregistrer son passage pleural. Comme l'ascite, l'hydrothorax hépatique peut s'infecter. Le diagnostic d'infection repose sur un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 250/mm3 associé à une culture positive ou sur un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 500/mm3 si la culture est négative. Il est important de noter que l'hydrothorax hépatique peut être infecté en l'absence d'infection concomitante de l'ascite (40% environ). En cas d'infection, le traitement antibiotique est comparable à celui de l'ascite infectée. Il est déconseillé de réaliser un drainage pleural. L'utilité de l'adjonction d'albumine aux antibiotiques est probable, par analogie avec les infections d'ascite. Traitement
Le traitement de l'hydrothorax repose en premier lieu sur le régime désodé et les diurétiques (spironolactone, éventuellement associée au furosémide), selon les mêmes modalités que pour l'ascite. Une ponction évacuatrice est nécessaire en cas de dyspnée et/ou d'hypoxémie marquées. La ponction doit être limitée à 2 litres pour éviter l'œdème de ré-expansion. Si une ascite tendue est associée, son évacuation doit précéder celle de l'hydrothorax. L'association du régime désodé et des diurétiques semble efficace dans la majorité des cas. Toutefois, il n'existe pas de données suffisantes pour chiffrer le taux de réponse au traitement médical. Lorsque l'hydrothorax persiste ou récidive, le traitement peut faire appel à des ponctions itératives, à une pleurodèse, à un TIPS ou à une transplantation hépatique. Les ponctions itératives sont associées à un taux particulièrement élevé de complications dont la plupart sont graves (pneumothorax, hémothorax favorisé par les troubles de l'hémostase, infection). Ces ponctions ne sont pas recommandées. La mise en place d'un drain pleural doit être évitée car le taux de complication est également élevé. Lorsque le drain est en place, la persistance d'un débit élevé du drainage rend son ablation difficile et celle-ci peut s'accompagner d'une fuite prolongée. La pleurodèse chimique par pulvérisation de talc sous thoracoscopie, éventuellement associée à une fermeture des brèches diaphragmatiques lorsqu'elles sont individualisables peut corriger efficacement l'hydrothorax hépatique. Toutefois, le taux de complications graves et la mortalité sont élevés. Si une transplantation hépatique ne peut pas être réalisée rapidement, le TIPS semble être le traitement le plus approprié. Ce dernier permettrait l'arrêt des ponctions pleurales évacuatrices dans 40 à 70% des cas. Ces résultats doivent cependant être interprétés avec prudence compte tenu de la faible taille des effectifs et de la brièveté du suivi dans les essais cliniques. Au total, l'hydrothorax symptomatique réfractaire constitue une menace vitale à court terme. Les complications des ponctions itératives comme celles des pleurodèses chimiques sont nombreuses et sévères. Lorsque l'hydrothorax persiste ou récidive, le TIPS doit être proposé et la transplantation hépatique doit être envisagée. Le syndrome hépatopulmonaire Le syndrome hépatopulmonaire est défini par l'association d'une maladie chronique du foie, d'une hypoxémie (PaO2 < 70 mm Hg en air ambiant), d'une élévation du gradient alvéolo-artériel d'O2 au dessus de 20 mm Hg et d'une vasodilatation pulmonaire. Il est observé chez 5% des cirrhotiques environ. Son incidence pourrait être un peu plus élevée chez les cirrhotiques graves, en attente de transplantation. Il est important de noter que le syndrome hépatopulmonaire est une complication de l'hypertension portale et que dans certains cas, il peut se développer chez des malades ayant une hypertension portale non cirrhotique. Les manifestations sont essentiellement représentées par une dyspnée d'effort et/ou de repos. Lorsque l'hypoxémie est sévère, il peut exister une cyanose. La radiographie du thorax est normale. La mesure des gaz du sang met en évidence une hypoxémie, souvent associée à une hypocapnie. L'hypoxémie est majorée par l'orthostatisme (orthodéoxie). Diagnostic
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de la vasodilatation pulmonaire et des shunts par 2 examens non invasifs : l'échocardiographie trans-thoracique avec une épreuve des " microbulles " qui après injection dans une veine périphérique traversent massivement les capillaires pulmonaires dilatés et apparaissent dans les cavités cardiaques gauches en moins de 4-5 systoles. La scintigraphie pulmonaire de perfusion avec injection de macroagrégats d'albumine marquée au Tc99 permet de quantifier le shunt, ce qui présente un intérêt particulier lors de l'évaluation en vue d'une transplantation. Dans ce cas, on peut compléter le bilan par une mesure de la PaO2 sous 100% d'oxygène. Une PaO2 inférieure à 150 mm Hg doit conduire à rechercher un shunt anatomique. La mesure systématique de l'oxymétrie de pouls en position couchée et debout chez des malades ayant une hypertension portale pourrait peut être permettre de dépister le syndrome hépatopulmonaire à un stade plus précoce. Au cours du syndrome hépatopulmonaire, l'hypoxémie est liée à des anomalies du rapport ventilation/perfusion elles mêmes secondaires à une vasodilatation pulmonaire majeure qui conduit à une diminution du temps de transit du sang dans les capillaires pulmonaires et à une altération des échanges gazeux. On ne connaît pas les mécanismes qui conduisent à cette vasodilatation pulmonaire anormale chez certains malades. Des données récentes suggèrent que le syndrome hépatopulmonaire sévère est un facteur significatif indépendant de mortalité des cirrhoses. On estime que la mortalité à 3 ans est de l'ordre de 50%. Ce taux est de 90% chez les malades dont la PaO2 est inférieure à 60 mm Hg. Traitement
Le traitement des formes sévères repose en premier lieu sur l'oxygénothérapie continue ou discontinue qui permet de corriger tout ou partie de l'hypoxémie. Il n'existe pas de traitement pharmacologique spécifique et efficace du syndrome hépatopulmonaire. Le TIPS n'a pas fait la preuve de son efficacité et doit être évalué. Conférence de consensus sur l'hypertension portale Le seul traitement curatif est la transplantation hépatique. La mortalité précoce en rapport avec la transplantation hépatique semble un peu plus élevée en cas de syndrome hépatopulmonaire (de l'ordre de 30%). Toutefois, à distance de la transplantation, la réversibilité du syndrome hépatopulmonaire est presque constante. L'intervalle moyen entre la transplantation et l'arrêt de l'oxygénothérapie est de 3 mois mais il peut dans certains cas dépasser 4 ans. Outre le bénéfice en terme de survie, la transplantation apporte un bénéfice notable en terme de qualité de vie. Au total, le syndrome hépatopulmonaire, dont la transplantation est le seul traitement curatif, est une complication rare mais grave de la cirrhose qui réduit significativement l'espérance de vie. La constitution d'un registre prospectif est souhaitable. Il est suggéré que tout malade ayant des anomalies des échanges gazeux au cours d'une hépatopathie chronique soit adressé à un centre spécialisé. L'hypertension portopulmonaire L'hypertension portopulmonaire est définie par l'association d'une maladie chronique du foie, d'une élévation de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) au delà de 25 mm Hg, d'une pression capillaire pulmonaire inférieure à 15 mm Hg et de la résistance vasculaire pulmonaire supérieure à 120 dynes.s.cm-5. Elle est plus rare que le syndrome hépatopulmonaire et s'observe chez 2 à 5% des cirrhotiques. Comme pour le syndrome hépatopulmonaire, il s'agit d'une complication de l'hypertension portale qui peut occasionnellement survenir chez des malades ayant une hypertension portale non cirrhotique. La présence d'une hypertension portopulmonaire contre indique le TIPS. Les mécanismes de l'hypertension portopulmonaire ne sont pas connus avec précision. Ils font intervenir à la fois une vasoconstriction artérielle pulmonaire et une réduction du calibre des artères pulmonaires liée à une prolifération de la média et une fibrose de l'intima, parfois associée à des thromboses. On ne connaît pas de facteurs prédictifs de survenue de ce syndrome au cours de la cirrhose. Le plus souvent, l'hypertension portopulmonaire ne s'accompagne d'aucune manifestation clinique jusqu'à ce que la PAPm dépasse 40 à 50 mm Hg, ce qui correspond à une hypertension artérielle pulmonaire sévère. Les manifestations, lorsqu'elles existent, sont essentiellement représentées par une dyspnée d'effort sans caractère spécifique. La radiographie du thorax est normale ou montre un débord des cavités droites et un élargissement des hiles. Habituellement, la mesure des gaz du sang est normale ou montre une hypoxémie modérée. Diagnostic
Il repose sur l'échographie-Doppler cardiaque et le cathétérisme cardiaque droit. Lorsqu'on suspecte une hypertension portopulmonaire ou lorsqu'on souhaite la dépister, une échographie-Doppler cardiaque doit être réalisée en première intention : la pression artérielle pulmonaire systolique est élevée au delà de 30 à 40 mm Hg et la dilatation des cavités droites est inconstante. Ces anomalies ne sont pas spécifiques et environ 50% des malades chez lesquels elles sont présentes n'ont en fait qu'un syndrome hyperkinétique. L'absence d'élévation de la pression artérielle pulmonaire systolique, en échographie, permet d'écarter le diagnostic de façon quasi certaine. Le diagnostic d'hypertension portopulmonaire ne peut être établi avec certitude que par le cathétérisme cardiaque droit avec mesure directe des pressions pulmonaires. Le pronostic de l'hypertension portopulmonaire est mauvais, en particulier lorsqu'il existe une insuffisance cardiaque droite installée. La majorité des décès (80% environ) sont liés à l'hypertension artérielle pulmonaire elle-même, et non aux conséquences de la cirrhose. Les taux de survie à 1, 2 et 5 ans sont estimés à 76, 72 et 50%, respectivement. Traitement
La première mesure thérapeutique consiste à arrêter les bêta-bloquants qui tendent à aggraver l'hypertension artérielle pulmonaire. L'oxygénothérapie doit être envisagée pour les malades qui ont une PaO2 inférieure à 55 mm Hg. L'intérêt d'un traitement anticoagulant, fréquemment administré aux malades ayant une hypertension artérielle pulmonaire primitive, n'est pas démontré dans cette situation. Les antagonistes des récepteurs de l'endothéline (bosentan) sont actuellement contre-indiqués en raison de leur hépatotoxicité. Le traitement de référence est représenté par la prostacycline (époprosténol) et ses analogues. Dans des petites séries de malades, on a montré que la prostacycline en perfusion continue améliore significativement les variables hémodynamiques (pression artérielle pulmonaire, index cardiaque) sans toutefois corriger complètement l'hypertension artérielle pulmonaire. Un bénéfice sur la survie n'est pas démontré. Enfin, il s'agit d'un traitement particulièrement contraignant (perfusion continue sur un cathéter central à demeure) et coûteux. Les autres analogues des prostaglandines administrables par voie orale (beraprost), sous cutanée ou en inhalation (iloprost) n'ont pas été évalués dans cette indication. Lorsque la pression artérielle pulmonaire dépasse 50 mm Hg (avec ou sans traitement), la transplantation hépatique est clairement contre indiquée en raison d'un risque majeur de décès péri-opératoire. Lorsque la pression artérielle pulmonaire est inférieure à 35 mm Hg, la transplantation n'est pas contre indiquée. Pour des valeurs de pression artérielle pulmonaire situées entre 35 et 50 mm Hg, l'indication de la transplantation est controversée. Elle semble ne pouvoir être envisagée que lorsque la résistance vasculaire pulmonaire est inférieure à 250 dynes.s.cm-5. La réversibilité de l'hypertension artérielle pulmonaire après la transplantation et la possibilité d'arrêter la prostacycline sont inconstantes. Un régression complète a été observée chez certains malades. L'hypertension artérielle pulmonaire a continué de progresser chez d'autres malades transplantés, conduisant par elle même au décès. Il n'a pas été possible d'identifier de facteurs prédictifs de réponse. Au total, l'hypertension portopulmonaire est une complication rare mais particulièrement grave de la cirrhose. Son dépistage systématique est recommandé chez les candidats à la transplantation car elle constitue un risque opératoire notable et ses manifestations sont tardives. La perfusion intraveineuse continue de prostacycline améliore le plus souvent les paramètres hémodynamiques mais elle est très contraignante et il n'est pas certain Conférence de consensus sur l'hypertension portale qu'elle améliore le pronostic. Vis à vis de la transplantation, 2 situations peuvent être distinguées. Si la transplantation est justifiée par la gravité de la cirrhose, une hypertension portopulmonaire modérée (pression artérielle pulmonaire < 50 mm Hg) avec ou sans traitement augmente son risque mais ne la contre indique pas. La justification d'une transplantation essentiellement basée sur la découverte d'une hypertension portopulmonaire est controversée. Une évaluation prospective est indispensable pour mieux définir la place de la transplantation hépatique. L'organisation de cette conférence de consensus a été rendue possible grâce à l'aide apportée par les Laboratoires : Ferring, LFB, Novartis, UCB S.A., AstraZeneca, Takeda, Roche, Schering Plough, W.L. Gore. Les Conférences de Consensus SNFGE, 2004

Source: http://medicus.free.fr/d4/conf%20consensus/CCHyperTPortaleVlong2003.pdf

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